Géraldine Lay

Céret

Dans la suite de sa proposition, l’artiste a abordé le territoire de la ville de Céret par la rencontre avec ses habitants.

Grâce à l’accompagnement par les membres de Lumière d’Encre et par la grande facilité de contact de l’artiste, elle est rentrée chez les habitants et à également photographié dans la rue comme à son habitude. L’éditing est essentiel dans le travail de Géraldine Lay il est servi par la mise en forme de la monstration qui favorise une lecture non linéaire.

Il s’agit de construire une sorte de récit photographique une vision plus fragmentaire, qui s’écarte de la toute-puissance de la collection, du documentaire descriptif, quasi scientifique, du monde. Devant l’impossibilité d’englober le tout, la photographe représente le monde par des prélèvements ponctuels. Face à la froideur du monde, elle réaffirme les choix subjectifs qui font l’essence du photographique. Par une acuité renouvelée, elle agglomère, imbrique les niveaux de sens, joue avec le symbolique, la description, les relations indicielles, la métaphore, la coupure, l’allusion, l’opposition, la figuration et l’abstraction… pour créer de la profondeur, de l’épaisseur à l’image.

Il s’agit de faire naître la poésie du réel. Avec les éléments récoltés, pris, glanés ou composés, façonnés ou construits, la photographe, comme l’écrivain, configure le récit. Elle se joue de la chronologie pour remanier ses expériences, pour reconstituer son histoire.
Les fragments du monde ne sont plus reliés objective-ment, mais créent par leur mise en relation un nouvel univers. Cette proposition artistique relativement nouvelle est le pivot de ce récit photographique contemporain. Les liens qui apparaissent par le rapprochement des images doivent être mis en correspondance avec l’émergence des réseaux dans notre vie.

De même que si la monstration sous une forme linéaire de l’exposition ou du livre persiste, on observe de plus en plus souvent une présentation en nuage qui résonne avec la prééminence des réseaux dans notre monde contemporain. Comme notre histoire n’est plus linéaire, comme nos valeurs sont éclatées, et les choses poly-phoniques, il s’agit, à l’instar du nouveau continent numérique, de faire sens par la mise en tension des fragments, des morceaux du monde sensible pour que naisse un nouvel univers à chaque fois rejoué.
Peut-on encore parler de récit dans cette suite fragmentaire où la chronologie semble disparaître ? À l’instar du photographe qui présente un monde déstructuré, c’est le regardeur qui en relie les images et relit un récit sous-jacent, latent, à l’aune de sa propre histoire. C’est un récit ouvert, d’un monde ouvert, proposé à la refiguration du spectateur qui en devient acteur, révélateur d’une narration souterraine. Dans un processus de renégociation des images proposées par cette traversée du monde, de ces bruits captés dans le vacarme des choses, de ces éclats du mince vernis de la réalité*, il réécrit une musique personnelle, nourrie de sa propre présence au monde. Les combinaisons d’images mettent au jour des impensés, entrent en résonance avec la multitude tumultueuse de ses propres expériences et suscitent une cohésion sensible de ce monde par trop chaotique et imprévisible.
C’est là où l’œuvre artistique prend toute son importance dans le sens où elle élargit la pensée en ouvrant vers une liberté, elle apporte cette incertitude fondamentale si chère à Edgar Morin, qui permet la créativité et ouvre à la compréhension d’un monde complexe.

L’œuvre n’est plus uniquement l’aboutissement d’un travail, mais elle suscite le commencement d’un autre pour le spectateur.