Alexandra Serrano

Si haute soit la montagne, on y trouve un sentier


La situation géographique particulière de cette ville, a fait d’elle l’un des lieux de négociation du traité des Pyrénées qui marquera par la suite la frontière entre le royaume d’Espagne et celui de France.

Imprégnée par ce passé historique, je me suis immergée dans ce territoire allant à la rencontre de ses habitants dans le but de dresser une cartographie sensible et mouvante du rapport de l’homme à son environnement. C’est sur la frontière naturelle que forme le massif Pyrénéen, que j’ai choisi de poser mon regard. Une frontière entre deux territoires : la Catalogne du nord et celle du sud.

Longtemps considérées comme un obstacle, les Pyrénées sont devenues au fils du temps un carrefour, un lieu de passage aussi bien pour les hommes que pour les marchandises, pour les idées que pour les influences. Au fil de mes séjours à Céret, j’ai pu constater comment cette limite bien qu’immatérielle, a fait de la vallée du Vallespir une zone d’identité particulière où l’imaginaire et la pensée se sont emparés de ce symbole et où les habitants expérimentent dans la banalité de leur quotidien, l’appartenance à deux lieux, à deux cultures : française et catalane.

Ce sont ces allers sans retours ou ces allers-retours pluriels de part et d’autre de la crête que j’ai souhaité mettre en lumière. Une mobilité de la population que j’ai tenté de rendre compte à travers la mise en image de passages individuels, faisant dialoguer histoires réelles et légendes urbaines propres au folklore de la région. Mêlant à la fois une approche artistique et sociologique ce projet propose une intrusion poétique au sein du territoire pyrénéen à travers l’écoute et la marche, me permettant ainsi de développer un rapport intime aux paysages et aux êtres.

C’est en arpentant la crête-frontière des journées entières, en me rendant sur des sites historiques ou emblématiques de la région que je suis parvenue à dénouer la complexité de cet espace frontalier dans le but de me le réapproprier. C’est en posant des questions, en suivant des personnes au grès de mes rencontres, en me laissant porter par le terrain que j’ai pu récolter des témoignages exprimant diverses manières de vivre l’espace et le temps.   La diversité des personnes et la multiplicité des récits qui m’ont été livrés ont fait surgir différents usages et perceptions de la frontière correspondant à des temporalités et des réalités sociales diverses. Que ce soit pour des raisons économiques, politiques, familiales ou existentielles, ces derniers ne cessent de questionner l’histoire, la mémoire et l’identité d’un espace de vie commun à deux pays.